Comment mobiliser ses salariés pendant la crise du coronavirus ?
Alors que le confinement a débuté depuis quelques jours, on assiste à une inquiétude grandissante des salariés que l’exercice de leur métier oblige à aller travailler en dehors de chez eux. Certains travailleurs concernés déclarent désormais, dans leur entreprise comme dans les médias, craindre pour leur santé. D’autres refusent même de se « mettre en danger » et font valoir leur droit de retrait. Ils ont le sentiment d’une société à deux vitesses où les cadres seraient protégés – puisqu’ils ont la possibilité de rester télétravailler en confinement – et où les ouvriers et le personnel moins qualifié risqueraient leur santé pour assurer le fonctionnement minimal de l’économie.
L’inquiétude gagne en miroir certaines entreprises. Comment assurer la continuité de leur activité si une grande part de leurs employés refusent de prendre leur poste ?
Le sujet est même clairement remonté en haut de la pile des dossiers prioritaires pour le gouvernement qui a appelé vendredi 20 mars les entreprises, par la voix de Bruno Le Maire, à verser une prime exceptionnelle défiscalisée de 1 000 € aux salariés « qui ont eu le courage de venir sur leur lieu de travail » malgré le confinement.
Or les entreprises ne sont manifestement pas préparées à gérer ce qui pourrait bien devenir une crise dans la crise. Et pour cause : les salariés ont souvent été les grands oubliés de la gestion des crises, ceux à qui les entreprises s’adressaient une fois qu’elles avaient géré les parties prenantes qu’elles considéraient comme prioritaires : les clients bien sûr, les médias et les pouvoirs publics.
C’est donc un vrai changement de braquet qu’elles vont devoir opérer pour affronter cette situation et réussir à engager leurs collaborateurs tout au long de cette période inédite. Ainsi, s’adresser régulièrement à ses salariés, répondre à leurs questions et à leurs inquiétudes – et le faire bien, c’est-à-dire au-delà d’un simple mail officiel de la direction – va donc devenir un impératif pour les entreprises dans la crise actuelle.
Engager les salariés qui viennent travailler
Les entreprises vont devoir en priorité continuer à engager les salariés qui viennent travailler sur les sites de l’entreprise.
Cela passe par un panel d’actions qui mixe :
- de l’information. Les fake news sont légion, particulièrement en période de crise ; c’est pourquoi il est essentiel de communiquer et réitérer des informations fiables, concrètes et claires sur les mesures prises et les règles de sécurité. En expliquant ce que fait l’entreprise au quotidien pour assurer les meilleures conditions de travail possible ;
- de l’écoute, beaucoup d’écoute, encore de l’écoute. Les salariés craignent pour leur santé ; c’est une peur tout aussi viscérale que légitime. Elle doit être entendue et reconnue par l’entreprise qui a souvent tendance, en période de crise, à mettre en place une communication largement descendante (« voici ce que nous faisons ») ;
- de la reconnaissance. L’entreprise doit valoriser l’effort particulier des salariés concernés. Cela peut passer par des dispositifs de primes, par exemple, comme celle suggérée par le gouvernement. Même si des questions se posent alors : l’engagement, notamment pour les activités essentielles à la société, peut-il s’acheter ? N’est-il pas dangereux de jouer de tels leviers de motivation extrinsèque ? N’existe-t-il pas alors un risque que certains salariés se rendent pour des motifs financiers sur leur lieu de travail même s’ils présentent certains symptômes ? Quoi qu’il en soit, cette reconnaissance doit aussi être immatérielle, en remerciant directement et formellement les salariés concernés, en les valorisant vis-à-vis de leurs collègues, mais aussi vis-à-vis des parties prenantes externes ;
- de la co-construction et de la confiance. Pour être crédible, l’entreprise doit, y compris en période de crise, associer plus étroitement ses salariés à la construction des solutions. A fortiori dans les entreprises qui ont beaucoup communiqué en interne depuis des mois sur la co-construction et l’intelligence collective : les salariés ne comprendraient pas que ces principes ne s’appliquent pas pour des sujets qui les concernent d’aussi près. Mettre en place, au-delà des IRP, des dispositifs de dialogue et de construction de solutions avec des salariés volontaires permettra également de sortir d’une logique de demande-réponse pour passer au « faire ensemble ». Accorder de l’autonomie est un levier puissant de motivation intrinsèque.
Ne pas oublier les salariés en télétravail
Mais les entreprises ne doivent pas s’arrêter là. Elles doivent plus largement adresser tous leurs salariés, y compris ceux qui télétravaillent, et le faire encore plus fortement qu’à l’accoutumée.
Tout d’abord le télétravail, surtout total, va exiger de la part des entreprises qu’elles parviennent à maintenir un cadre managérial et des process qui, habituellement, vont « de soi ».
De plus, les entreprises doivent veiller au respect de leurs obligations d’employeur, notamment en termes de qualité de vie au travail. Il s’agit par exemple d’éviter tant la déconnexion, et donc l’isolement ou le sentiment de mise à l’écart de certains, que la sur-connexion et le non-respect des temps de repos. Car travailler en période de confinement peut vite fragiliser la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle – parfois déjà pas assez étanche pour certains – puisque le travail entre aujourd’hui de fait au domicile de très nombreux salariés.
Enfin, dans une crise aussi impactante pour chaque individu, notamment en termes d’interactions sociales à cause du confinement, il faudra renforcer, au-delà des outils et des technologies, les liens entre l’entreprise et ses salariés. Cela va nécessiter sans doute un changement de ton, des messages plus humains, empathiques et directs, et des formats plus souples et fréquents que les communications internes habituelles des entreprises. Ce pourra même être pour certaines entreprises l’occasion de rappeler et de faire vivre à leurs salariés la culture et les valeurs qui sont les leurs, et pourquoi pas d’entamer une réflexion sur ce que cette crise pourra changer en termes de modes de travail et de vie de ce collectif pour construire demain une entreprise réinventée.