• October 2019
  • Eric Camel
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Les entreprises semblent de plus en plus nombreuses à céder aux attraits du mook. Pour un usage interne, externe et, plus fréquemment, mixte.

Il est vrai que leur succès s’affirme : 27 mooks sur les 43 lancés depuis 2008 en France paraissent toujours, soit près de deux tiers.

Issu de la contraction des mots magazine et book, le mook est une revue périodique au format hybride située au croisement du magazine, de la revue et du livre.

Le mook

Au magazine (notamment les magazines premium), il emprunte la variété des formats de traitement de l’information, le plaisir des images, la qualité des papiers ; à la revue, le refus de la course à l’actualité et de la polarisation des opinions, leur préférant le recul et l’approfondissement ; au livre, enfin, la qualité de l’écriture et la subjectivité des auteurs, le plaisir des récits qu’ils soient feuilleton, nouvelle, chronique, poème…

Bref, le mook adopte une forme inédite qui accorde une attention singulière à la richesse et à la matérialité de l’objet et promet une expérience sensorielle.

Sans jamais décourager : on dispose d’un long temps – un trimestre, parfois un semestre – pour y revenir, la décoder, en discuter.

Une innovation radicale ? Plutôt la réactualisation d’une tendance qui a émergé dans les années soixante (réaction à la simplification télévisuelle) et qui se manifeste aujourd’hui dans la réaction à la vitesse du flux, à l’attention fragmentée à laquelle contraignent les réseaux ainsi qu’à la médiation d’écrans qui ancrent dans le travail (à la différence de l’écran TV).

Audrey Alves, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication et co-autrice, avec la chercheuse Marieke Stein, du livre Mooks : Espace de renouveau du journalisme littéraire, précise en effet que les mooks s’inscrivent dans la filiation de journaux privilégiant le format long tels que Granta et The Believer, ou encore Vanity Fair et le New Yorker. « Ce sont les héritiers des grands reporters comme Joseph Kessel et Albert Londres. Mais les mooks indiquent aussi un retour du journalisme gonzo et du New Journalism des années soixante. »1

Si les entreprises deviennent sensibles à cette tradition, c’est sans doute parce que leur population est plus que tout autre exposée à la speed information, à une certaine forme d’atomisation (flex office), au moment où l’innovation requiert inspiration et intelligence collective.

Et c’est vrai que, conçu comme une expérience et non comme un média de plus, le mook peut jouer cette partition.

Trois principes doivent en effet animer spécifiquement la création d’un mook d’entreprise, dès lors que celle-ci veut dépasser l’information pour dialoguer et engager ses parties prenantes.

  1. L’ancrage dans le réel. La très grande majorité des papiers publiés doivent conduire, en amont, à l’implication de salariés et plus largement des parties prenantes : organisation et participation à une learning expedition ; rencontres d’intellectuels ou d’experts ; études qualitatives ou quantitatives, dans son écosystème, enrichissant certains sujets traités dans le mook ; reprise des contenus stars des communautés ; publication d’un scribing synthétisant une séance d’intelligence collective…
    En d’autres termes, un mook est un catalyseur d’expériences.
  2. L’ouverture à des regards tiers. Pour compléter les expériences évoquées plus haut, il est indispensable d’inviter des auteurs et/ou des intellectuels et/ou des experts/parties prenantes à tendre un miroir à l’entreprise et à ses ouailles : « C’est à partir du regard des autres que nous nous assumons comme nous-mêmes » (Jean-Paul Sartre). Un sémiologue dira ce que le logo dit de la compagnie, un philosophe débattra utilement de votre raison d’être, un illustrateur cherchera, peut-être sans les trouver, des traces de vos valeurs… Plus concret, un accord avec un média réputé vous proposera un cahier d’inspirations pour innover…
    En d’autres termes, un mook est un catalyseur d’introspection.
  3. La ritualisation. Très lié à la vie quotidienne de votre entreprise et de ses collaborateurs, le mook doit devenir un moment fort : une date, un objet et un système d’échanges. C’est déjà le cas, on l’a dit, en amont, mais on peut l’amplifier en aval : événements lors de la sortie, distribution d’exemplaires supplémentaires afin que les salariés les partagent avec les parties prenantes, valorisation des auteurs… Le mook doit devenir un rituel. Une habitude, un moment partagé à un rythme régulier, qui, à côté d’autres rituels de politesse ou de célébration, d’intégration ou d’initiation, de passage ou de partage, d’évaluation ou de valorisation, crée des valeurs communes.
    En d’autres termes, un mook est un catalyseur de culture.

Le mook, constitué selon ces trois principes, devient donc essentiel à un moment où le plus grand nombre s’accorde sur cette conviction : la force de la culture d’une entreprise est l’un des facteurs clés de son succès, un « asset » fort à entretenir voire à renforcer.

 

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