Doit-on lier raison d’être, projet opérationnel et valeurs ?
Après avoir défini leur raison d’être, des entreprises pionnières ont rapidement détecté le risque du purpose washing : du déclaratif qui ne s’ancre pas dans un projet opérationnel transformatif ; des comportements valorisés par l’organisation (les valeurs) qui sont en contradiction évidente avec la revendication d’impact positif.
Naît alors une tendance qui cherche à lier des éléments épars – purpose, projet opérationnel, valeurs – dans un COMMUN qui rend cohérente et lisible la trajectoire de l’entreprise et permet l’engagement des parties prenantes, notamment des salariés.
On peut notamment citer EDF, qui a successivement codéfini avec les collaborateurs son projet opérationnel, puis, un an plus tard, son purpose et, enfin, requalifié ses valeurs. L’ordre des priorités peut varier d’une entreprise à l’autre : Danone avait préféré commencer par le purpose, avant d’attaquer les autres chantiers. Keolis, quant à lui, fournissait à toutes ses unités un framework unique articulant purpose, valeurs et principes opérationnels (qualité de l’expérience client, par exemple).
Ce mouvement, encore assez minoritaire, semble s’accélérer : l’unité du commun est en effet profondément transformative. Deux cas peuvent l’illustrer.
Le premier concerne l’articulation entre purpose et projet opérationnel
Les deux principales entreprises de l’industrie des aliments pour animaux de compagnie – Nestlé Purina Petcare, le plus grand acteur en Amérique du Nord, et Mars Petcare, le leader mondial – ont défini un purpose très similaire – « Mieux avec les animaux de compagnie » (Purina) et « Un monde meilleur pour les animaux de compagnie » (Mars Petcare) – et toutes deux veulent développer de nouveaux produits qui aideront les clients à améliorer la santé de leurs animaux de compagnie. Mais Purina a continué à se concentrer sur le terrain de jeu de l’alimentation pour animaux de compagnie et applique un but dans certaines initiatives sociales inspirantes, tandis que Mars Petcare utilise ce but pour propulser son expansion dans le domaine plus large de la santé des animaux. Elle deviendra un des leaders des cliniques vétérinaires et des objets connectés pour animaux.
Le second exemple évoque l’articulation nécessaire entre les valeurs et les deux autres composants du commun.
Depuis son origine, Lenovo a fait de la diversité, puis de la diversité et de l’inclusion (D&I), SA valeur. L’entreprise a donné son sens au purpose : Smarter technology for all. Pour être « smart », les données doivent être diversifiées, pour être « for all », il faut servir des populations de plus en plus variées. L’exemple le plus fréquent pris par Lenovo concerne l’IA dans le domaine du traitement des données biométriques qui doivent être pour refléter les différentes structures faciales et couleurs de peau. Tous les produits et solutions de l’entreprise passent ainsi au tamis de la D&I. La boucle est ainsi faite avec le projet opérationnel.
Il apparaît clairement que la mise en cohérence du commun est indispensable.
D’autant plus que l’intelligence collective est sans cesse sollicitée et qu’après avoir connu l’ivresse du One, les entreprises se redécentralisent (back to the local, par exemple, qui devrait se renforcer avec la crise de la mondialisation).
Les dirigeants savent désormais que dans le monde VUCA (volatil, incertain, complexe, et ambigu), la coélaboration avec le terrain est indispensable. Il faut combattre la pente naturelle de l’arrogance du sachant qui méprise « l’expertise d’usage » portée par les collaborateurs disposant d’un savoir empirique sur un objet donné, dans une situation donnée. Il faut également que ces experts d’usage ne restent pas sur leurs acquis, sur leurs certitudes et qu’ils manifestent une empathie profonde avec leur écosystème. L’écoute et le dialogue deviennent une discipline cardinale du management et de la communication. Ils doivent irriguer l’entreprise.
Mais pour que ce flux ait toute sa force, il faut le canaliser ; que toutes les intelligences mobilisées comprennent et partagent un framework, une trame, un espace de langage commun, de coordination et de collaboration.
C’est le rôle du commun : sans contraindre, il donne un sens partagé, permet de mailler et de gérer les différences : individus, unités, métiers… Il devient une sorte de taxonomie de la transformation.
Un nouveau et magnifique chantier pour la communication interne…