• June 2022
  • Constance Wiltzer
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C’est un constat qui transcende les secteurs d’activité et que posent toutes les entreprises : elles vont devoir faire le deuil d’une rétention de leurs collaborateurs sur le très long terme.
Les salariés qui auront effectué l’intégralité de leur carrière dans la même entreprise sont de plus en plus rares et seront probablement demain une exception.

Et si les salariés français sont encore fidèles en moyenne 11 ans à leur entreprise, ce chiffre cache des disparités, notamment générationnelles (par exemple les cadres de plus de 50 ans restent en moyenne dans le même poste ou la même entreprise deux ans de plus que les moins de 40 ans).

Illustration alumnis

Plus globalement, le rapport à la mobilité et au salariat est en train d’évoluer et on quitte plus facilement son entreprise pour une nouvelle aventure professionnelle. Un phénomène d’une telle ampleur aux États-Unis qu’il a été baptisé « la grande démission », et qui commence à toucher l’Europe y compris la France.

Durée moyenne qu'un salarié passe à travailler pour le même employeur en 2020 en Italie (12,4), France (11), Grèce (10,9), Allemagne (10,8), Espagne (10,5), Royaume-Uni (8,1), Suisse (7,7), Danemark (7,2) et Corée du Sud (6)

Mobilité ne rime pas forcément avec rejet

Cependant, différentes études montrent que la mobilité externe, au-delà d’être le reflet d’une envie de tourner le dos à son employeur, est avant tout envisagée par les salariés comme une opportunité d’étendre le champ de leurs responsabilités et de s’ouvrir des perspectives d’évolution de carrière plus intéressantes, de changer d’environnement professionnel ou d’obtenir une meilleure rémunération.
Certains départs ne sont d’ailleurs qu’une parenthèse, puisqu’il arrive que des ex-salariés redeviennent des collaborateurs de leur ancienne entreprise quelques années après l’avoir quittée.
On peut donc distinguer mobilité et fidélité et imaginer que le départ d’un salarié ne constituerait pas nécessairement le clap de fin de la relation avec l’entreprise et pourrait même être le début d’une nouvelle histoire qui prolongerait la relation d’une façon différente.

 

Garder le lien entre et avec les anciens

Comme c’est la norme dans les grandes écoles en France et à l’international, les entreprises ont tout intérêt à mettre en place des programmes destinés à maintenir le lien avec ces ex-salariés, constitués en une communauté d’alumni, sur la base du volontariat bien entendu. Un lien fort et contributif, car ces anciens collaborateurs, attachés à l’entreprise, la connaissent de l’intérieur et disposent dans le même temps désormais d’un regard extérieur et d’un certain recul.

Ces alumni peuvent en effet endosser plusieurs rôles utiles à l’entreprise.

De façon évidente, ils constituent des contacts business privilégiés lorsqu’ils sont en poste chez un client ou un prospect.
Au-delà de cette dimension, en miroir des programmes d’employee advocacy, ces anciens peuvent également être des relais d’opinion et des prescripteurs pour l’entreprise, au service aussi bien de son image corporate que de sa marque employeur. Plus directement, au service des ressources humaines, ils peuvent contribuer à la politique de recrutement en identifiant voire en cooptant des candidats et, pour certains, constituer un vivier de « salariés boomerang » susceptibles de réintégrer un jour l’entreprise (des salariés qui présentent l’intérêt d’être déjà au fait des modes de travail et en phase avec les valeurs de l’entreprise, ce qui rend leur intégration parfaitement fluide).

Enfin, en allant encore un peu plus loin, ils peuvent devenir des incubateurs d’idées et des bêta-testeurs en participant aux réflexions sur de nouveaux projets touchant à leur domaine d’activité ; à la fois in – bonne connaissance de l’entreprise, de ses produits, de sa culture – et out – vision externe –, ils ont le profil idéal.

Un tel programme ne s’improvise pas

Passer à l’action et mettre en place un programme Alumni qui crée de la valeur pour l’entreprise comme pour les membres du réseau – condition impérative à leur participation active – demande de penser et structurer la démarche. Quels rôles pour ces alumni ? Qu’est-ce que l’entreprise a à leur proposer pour les intéresser ? Comment interfacer ces anciens avec le reste de l’entreprise ? Etc.
À l’instar des plateformes d’employee advocacy, des solutions techniques support de ce type de programmes, offrant un panel de fonctionnalités permettant de gérer la communauté, se sont développées. Si elles sont souvent utiles, ce ne sont que des outils et l’enjeu est évidemment ailleurs. Il s’agit en effet d’engager ces ex-salariés aux côtés de leur ancienne entreprise en fédérant un collectif autour d’une vision commune qui perdure après la fin du contrat de travail et en animant ce collectif dans la durée.
Un projet forcément ambitieux mais qui pourrait bien permettre aux entreprises qui se lancent dans l’aventure de transformer le risque du turnover en de nouvelles opportunités.