Culture d’entreprise : pourquoi les comportements sont souvent plus utiles que les valeurs
La culture d’une entreprise (traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social) est sans doute l’un de ses assets les plus précieux… mais aussi les plus intangibles.
Sans doute parce qu’elle la caractérise et la distingue mais aussi parce que, bien plus que sa raison d’être ou sa stratégie, elle est difficile non seulement à imiter, mais aussi à circonscrire. Elle s’exprime par des mythes, des symboles et des rituels mais aussi par des attitudes partagées par les managers et les collaborateurs de l’entreprise.
Des attitudes que peu de gens peuvent discerner de prime abord… si ce n’est sans doute ceux qui travaillent dans l’entreprise : un collaborateur de Danone, d’Air Liquide, de L’Oréal ou d’Angie sait en quelques minutes si un candidat qu’on lui fait rencontrer est en adéquation avec la culture de son entreprise. Il ne peut pas pour autant facilement en exprimer les raisons (il se contentera d’ailleurs sûrement pour l’expliquer d’un simple « lui ou elle est très angien.ne »).
En effet, la culture d’une entreprise est compliquée à décrire et à exprimer. Et pourtant… on ne peut pas la piloter, la faire évoluer et la modeler ou encore la transmettre, si on ne peut l’objectiver, la formuler et l’expliquer.
C’est l’objet des valeurs d’entreprise : exprimer par des mots (dans un souci d’alignement ou simplement de communication) ce qui constitue la spécificité de l’entreprise et ce qui la rend unique.
A priori fort utiles (en tant que principes qui guident les managers et les collaborateurs dans leurs décisions et leurs actions), elles ne font pas l’unanimité. Leurs détracteurs les remettent en cause au nom de la vacuité ou, à l’inverse, au nom de l’inclusion.
- Au nom de la vacuité : ils affirment que ces valeurs, dans les faits, ne parviennent que très rarement à exprimer ce qui constitue la spécificité de la culture d’une entreprise. Dans une société régie par le politiquement correct, où tout ce qui est exprimé et qui « dépasse » du cadre de la pensée molle dominante risque de choquer, les entreprises peinent à faire émerger via leurs valeurs de véritables saillances. Celles-ci n’expriment la plupart du temps, selon eux, que des notions et des principes consensuels, mous et attendus. Et finissent d’ailleurs par toutes se ressembler quand bien même les entreprises qui les portent sont diamétralement différentes. Ces valeurs sont le plus souvent vouées à rester affichées sur un coin de mur avec une faible capacité à interroger (dimension réflexive), faire réagir (dimension performative) et donc bouger les lignes (dimension transformative). Innovation, responsabilité, excellence, etc., peu de chances en effet que ces mots donnent envie aux parties prenantes d’une entreprise de s’engager à ses côtés.
- Au nom de l’inclusion : d’autres détracteurs, et parfois les mêmes, affirment, à l’inverse, que les entreprises, rares et audacieuses, qui sortent du lot, donnent du relief et placent leurs valeurs au cœur de leur management et de leur process, ont parfois tendance à adopter un fonctionnement clanique voire sectaire. À l’image de Zappos, pour ne prendre que l’exemple le plus célèbre d’entreprise ayant fait des valeurs son cadre de référence et vouant à son CEO fondateur, Tony Hsieh, un culte certain.
Dans ce contexte, la définition de comportements clés en lieu et place des valeurs constitue certainement une alternative judicieuse.
Plus nombreux, formulés sous forme de phrases complètes, leur expression permet d’aborder des notions à la fois plus riches et plus précises. Reliés à la réalité des métiers et des savoir-faire, ces comportements clés sont plus concrets (et donc moins suspects pour les pourfendeurs du « corporate bullshit »). Par définition observables et donc facilement mesurables (lorsque les valeurs cherchent à exprimer le plus souvent des attitudes peu visibles), ils révèlent en creux la culture de l’entreprise, dont ils sont en réalité le résultat, la matérialisation tangible et objective, la partie immergée d’un iceberg culturel qu’ils permettent de piloter et de mesurer efficacement.