Leadership digital 2020 : 4 questions à François Guillot, Directeur associé
François Guillot est directeur associé d’Angie+1 et coordinateur de l’étude sur le Top 100 du Leadership Digital 2020 qui paraît pour la troisième année consécutive et présente le classement des 100 dirigeants les plus influents sur les réseaux sociaux et les meilleures pratiques de communication digitales et sociales. Il nous livre son analyse de cette dernière édition au regard des précédentes et de son expérience.
Quels sont pour vous les grands enseignements de cette nouvelle étude ?
Un peu de « plus », pas mal de « mieux ». Plus, car l’étude sert à cartographier les dirigeants qui ont fait des réseaux sociaux un pilier de leur stratégie de communication. Ils étaient 120 en 2018, 150 en 2019, ils sont maintenant 170, même si nous n’en classons que 100. Nous avions remarqué les années précédentes que l’usage de Twitter dominait celui de LinkedIn, ce qui semble contre-intuitif quand on connaît bien les caractéristiques de ces réseaux et au vu de l’aversion au risque que peuvent avoir beaucoup de dirigeants. Ce n’est plus vrai : LinkedIn a quasiment rattrapé son retard sur Twitter, même si l’usage de ce dernier continue de progresser. Le « mieux », ce sont des stratégies plus construites, mieux intégrées, moins d’occasions ratées. Il me semble aussi qu’on est en train de se débarrasser d’une vieille vision des réseaux sociaux, construite autour du nombre de followers et qui faisait « coincer » beaucoup d’utilisateurs. Le nombre de followers n’est pas important, ce qui est important, c’est le bon tweet au bon moment. Pas besoin de dizaines de milliers d’abonnés quand on a quelque chose à dire : le message circulera de lui-même.
Les réseaux sociaux, c’est le nouveau canal de communication interne ?
Oui, mais pas seulement. Les salariés peuvent représenter jusqu’à la moitié des abonnés des CEO, et une très grande partie de l’engagement dont ils bénéficient. Cela peut donner un sentiment d’entre-soi. Mais il ne faut jamais oublier, sur les réseaux sociaux, qu’on parle aussi à la majorité silencieuse, qui, elle, ne « like » pas, mais reçoit le message. Et la majorité silencieuse est aussi une majorité de publics externes. Par exemple, une dirigeante de l’agroalimentaire a de très bonnes chances de toucher ses clients distributeurs via LinkedIn.
Comment évaluez-vous la maturité générale ?
Elle est toujours très disparate, malgré les progrès que l’on observe chaque année. Pour beaucoup, notamment, il faut encore faire le saut de la communication au débat. Pas forcément au sens de devoir répondre à tous les messages. Mais comprendre que les réseaux sociaux ne sont pas qu’un robinet à relais des annonces officielles, mais aussi un moyen hypersimple, rapide et efficace de corriger nos frustrations. Je suis encore frappé par le nombre de dirigeants frustrés par, par exemple, un article de presse, et pour qui l’idée d’y réagir sur les réseaux sociaux est totalement étrangère. Michel-Édouard Leclerc a pourtant inventé le fact-checking corporate il y a quinze ans. Les communicants doivent emmener les CEO dans cette direction du débat.
Quels sont les challenges pour les mois ou les années à venir ?
La communication corporate, et donc celle des dirigeants, vit un moment historique avec le Covid-19. D’un coup, les opinions publiques se sont intéressées au service rendu par les entreprises, alors qu’il paraissait souvent acquis et donc « sous le radar ». Cette exposition subie est forcément un risque et une chance : un risque de faire partie des « mauvais élèves », si l’entreprise a fait passer un intérêt particulier avant l’intérêt général. Une chance, et pour le coup une chance historique, de se construire des attributs de réputation positive pour des mois voire des années, pour ceux qui auront été considérés comme exemplaires. Le CEO est celui qui peut faire que son entreprise soit exemplaire, et le faire savoir. Les réseaux sociaux, en touchant l’interne et la faune de micro-influenceurs intéressés par les sujets de société (ce qu’on appelle parfois le « grand public informé »), doivent être un instrument majeur de cette stratégie, qui doit se mettre en oeuvre dès maintenant.